dimanche 25 janvier 2009

Critiques



Le concept : "Ombres et Lumiere"



Une fois dépassée la séduction première devant la matière picturale de Mounir Abddennacer, nous marchons dans une lumière qui, continuellement, engendre et dissipe ses propres ombres jusqu'à l'apparition d'une énigme miroitante.
En effet, nous sommes en présence d'une architecture lumineuse rythmée par un va et vient incessant entre un monde diurne et un monde nocturne. C'est une construction générée par un espace clair-obscur où l'opacité et la transparence, la densité et la fluidité, le plein et le vide, le vif et le subtil, la vibration et la stagnation cohabitent dans une atmosphère contrastée et harmonieuse. Matières, couleurs et formes évoluent ainsi dans un mouvement d'aller retour infini entre opposition et alliance, dissimulation et révélation.



De cet univers plastique où s'entremélent apparitions et disparitions surgit un éclat central et rayonnant. Il s'agit d'une lumière diaphane, émergeant d'un bleu-noir profond, tourmenté et dense. Elle est simultanément verticale et circulaire, tantôt auréolée d'arabesques d'or, tantôt marquée par des inscriptions solaires inintelligibles et mystérieuses. Cette étrange et éblouissante lumière s'intensifie, se dissipe, se dilue, mais toujours pour se précipiter ailleurs, au point de nous conduire à l'épreuve déroutante et irrésistiblement attirante du fascinant et de l'insituable.
C'est ainsi que l'impalpable vibration de la lumière nous entraîne inévitablement dans le voyage du matériel à l'immatériel dans l'art. En effet, suite au temps de lecture de l'oeuvre, nous sommes séduits et étrangement inquiets par un lointain envahissant conduisant à la lecture de notre propre temps.
Cette distance dans la proximité incarnée par une lumière qui ne se donne que pour se retirer, offre au regard comme une absence qui ne se représente pas, mais qui se présente. C'est une absence qui n'accéde jamais à la stabilité descriptible d'une chose visible, d'une chose dont on connaîtrait une fois pour toute l'apparence caractéristique.
Quand absence et présence s'entrelacent et parcourent infiniment un désert d'ombres et de lumières, nous sommes pris inévitablement dans léexpérience de l'interminable seuil du regard. Il s'agit ici d'une " itinérance " semblant pouvoir se poursuivre à l'infini et toujours animée par le rêve de rendre visible l'invisible.
Est-ce précisément le rêve de déceler le mystère du temps originel, ou bien celui du temps individuel, ou encore le rêve de découvrir le secret de la création artistique ?
Marcher dans la lumière de Mounir Abddennacer est la rencontre troublante et alléchante de l'énigmatique qui nous invite à partager la transfiguration de l'absence en imagination créatrice.
Enfin, le caractére inspirant et prometteur de l'oeuvre conduit à croire que l'exploration de cet itinéraire artistique mériterait d'être approfondie et poursuivie pour l'instauration d'une dialectique plus fertile qui transcenderait progressivement les effets de l'apparence.



RIM LAABI
Rabat, le 02/05/2005
Plasticienne
Docteur en Arts Plastiques
et Sciences de l'Art (Sorbonne)


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire